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Jérôme 

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Qu'est-ce que le prix Jérôme Baverez 

 

Le prix Jérôme Baverez (1971-2003) rend hommage à ce jeune avocat, fils, petit-fils et arrière-petit-fils d'avocats du Barreau de Lyon, décédé prématurément. 

 

Jérôme Baverez a fait ses études à la faculté de droit de Lyon où il a également passé le CRFPA. Il a prêté serment le 4 janvier 1994. Après son service national au Consulat général de France à Miami, il a rejoint à Paris le cabinet d’avocats Gide Loyrette Nouel, où il a exercé jusqu’à sa disparition le 21 août 2003.

 

La famille et les amis de Jérôme BAVEREZ, ainsi que le cabinet Gide Loyrette Nouel, ont souhaité que son souvenir soit conservé et ont créé dans ce but un prix qui porte son nom, en liaison avec le Barreau de Lyon et l’EDARA.

 

Ce prix est destiné à soutenir et encourager chaque année l'étudiant qui aura montré les meilleures qualités d’esprit, de caractère et d’éloquence nécessaires à l’exercice de la profession d’avocat.

Que remporte le lauréat du prix ?

✔️ Un stage de 6 mois au sein du cabinet parisien Gide-Loyrette-Nouel 

✔️ La somme de 3 000€

Quel était le sujet de l'édition 2020 ?

Les 29 participants ont disserté en 2 pages maximum sur le sujet suivant : 

Que reste-t-il à la justice face aux réseaux sociaux et à la justice des médias ? 

Laurence di Cesare

Laurence

di Cesare

Lauréate

Le 8 mars 2020, le journal Le Monde publiait la tribune d’une centaine d’avocates pénalistes dénonçant la présomption de culpabilité qui s’invite parfois en matière d’infractions sexuelles. Les auteures illustraient la violation du droit à un procès équitable par certains médias et réseaux sociaux à travers l’exemple du réalisateur Roman Polanski. Les infractions dont ce dernier était suspecté, bien que prescrites et n’ayant pas fait l’objet d’une condamnation, sont régulièrement rappelées par les médias et réseaux sociaux.
 

C’est la propension de certains journaux à présenter comme avérés des faits simplement allégués et comme coupables des personnes suspectées ou blanchies qui justifie l’expression « Tribunal des médias ». Les médias et les réseaux sociaux tendent à se substituer à l’autorité judiciaire en menant leurs propres enquêtes et en appréciant eux-mêmes la culpabilité des personnes suspectées d’une infraction, parfois sur la foi d’une simple déclaration de la victime supposée.


Les propos diffusés dans les médias, c’est-à-dire sur tous supports de communication (presse, télévision, internet) ainsi que sur les réseaux sociaux (Twitter, Facebook...) sont protégés par le droit à la liberté d’expression et à l’information. Toutefois, l’exercice de ces libertés fondamentales menace parfois des impératifs d’ordre public tels que le secret de l’instruction, mais également des droits individuels tels que le droit au respect de la présomption d’innocence. Or, ces garanties sont indispensables au bon fonctionnement de la Justice.


Si la Loi, notamment celle du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, encadre l’exercice de la liberté d’expression, elle semble aujourd’hui lacunaire face aux nouveaux modes de communication que sont les réseaux sociaux et à la diffusion massive et immédiate des informations dans les médias.


Ainsi, que reste-t-il à la Justice face aux réseaux sociaux et au Tribunal des médias ?
 

Depuis la Révolution française, l’autorité judiciaire étatique détient le monopole de la Justice. L’enquête, la déclaration de culpabilité, le choix de la peine et son exécution par le condamné sont les prérogatives exclusives des magistrats et jurés désignés par la Constitution et la Loi. Ce monopole est justifié par les garanties procédurales assurant le respect des droits fondamentaux de chacun, notamment prévues à l’article 6-1 de la Convention européenne des droits de l’Homme ou à l’article préliminaire du Code de procédure pénale. En vertu de ces textes, toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue par un tribunal indépendant et impartial. Elle doit être informée de l’accusation dirigée contre elle et être en mesure de préparer sa défense en étant assistée d’un avocat. Sa présomption d’innocence ainsi que le principe ducontradictoire doivent être respectés.
 

Si les médias ont pu participer à la mission de rendre justice, comme ce fut le cas dans l’affaire Dreyfus avec la publication en 1898 dans le journal l’Aurore de « J’accuse », article signé par Emile Zola, ils sont néanmoins encadrés par la loi du 29 juillet 1881 leur faisant interdiction de publier la photo d’une personne menottée ou d’organiser des sondages sur la culpabilité d’un suspect. Aussi, ils doivent se garder de présenter une personne comme coupable de faits faisant l’objet d’une enquête ou d’une instruction, conformément à la loi du 4 janvier 1993 et ce afin de préserver la présomption d’innocence.


L’autorité judiciaire a donc longtemps conservé le monopole de la Justice.
 

Toutefois, les nouvelles technologies ont permis la multiplication des médias et l’avènement des réseaux sociaux. Les informations circulent aujourd’hui massivement et instantanément. La presse recueille la parole des victimes hors du procès, telles que les accusations récemment portées par l’actrice Adèle Haenel contre le réalisateur Christophe Ruggia, et certains avocats plaident en dehors des prétoires, comme dans l’affaire Jacqueline Sauvage, qui fut condamnée en 2014 pour le meurtre de son mari, puis graciée en 2016.


A l’Etrat, le 17 mars 2020
 

Le Tribunal n’est donc plus le seul lieu de témoignage, de défense, de déclaration de culpabilité et de choix de la peine, alors même que lui seul assure, grâce aux garanties procédurales, le respect des droits fondamentaux. En effet, chacun peut immédiatement prendre la parole dans les médias et sur les réseaux sociaux. Le temps nécessaire à la réflexion est supprimé. Les responsabilités de chacun se diluent dans la multitude de commentaires et l’anonymisation permise par internet, bafouant ainsi le droit à un procès équitable, phénomène devant lequel la Justice semble démunie.


Pourtant, la Justice dispose de prérogatives exclusives. En effet, l’État ayant le monopole de la violence légitime, l’autorité judiciaire exerce un pouvoir de contrainte afin d’assurer le bon déroulement de l’enquête ou encore l’exécution de la peine par le condamné. Par conséquent, à supposer que se serait institué un Tribunal des médias, ce dernier serait vain, car « La Justice sans la force est impuissante » (Blaise Pascal, Pensées, 1623-1662). De plus, le déchainement permis dans le cadre d’un tel Tribunal, nécessairement dépourvu de garanties procédurales, offrirait un triste spectacle aux conséquences potentiellement désastreuses, comme l’illustre le suicide de Pierre Beregovoy en 1993.


Ainsi, face à l’immédiateté des médias et des réseaux sociaux, la Justice accorde le temps long nécessaire au bon déroulement de l’enquête, à la préparation de la défense et à la réflexion lors du délibéré. Au contraire de l’anonymat permis par les réseaux sociaux, la Justice impose l’information de l’accusé et le respect de sa dignité. Enfin, en réponse à la publication de centaines d’articles et de milliers de commentaires, la Justice accorde le dernier mot à l’accusé.


La Justice étatique est donc la seule à offrir de telles garanties. Surtout, elle reste le relai nécessaire des actions intentées par le biais des médias et des réseaux sociaux, comme l’illustre « L’affaire du siècle », pétition diffusée sur Facebook et ayant donné naissance en 2019 à une action collective devant le Tribunal administratif de Paris à l’initiative des associations FNNH, Greenpeace France, Notre affaire à tous et Oxfam. Quand bien même aucun recours ne serait exercé devant elle, la Justice se saisit elle-même des accusations portées dans les médias, comme en atteste le déclenchement de l’action publique à la suite des déclarations de l’actrice Adèle Haenel.


En outre, les réseaux sociaux sont devenus des outils pour certains magistrats, comme pour le Procureur de la République de Dijon, Eric Mathais, qui informe de l’action de la Justice sur son compte Twitter. Cette initiative participe de celle d’empêcher la diffusion de fausses informations et de rendre la Justice accessible et compréhensible par le plus grand nombre. En effet, des informations partielles ou erronées sont souvent la cause d’une cabale médiatique ou de l’incompréhension d’une décision de justice, comme celle de l’affaire Jacqueline Sauvage.


Pour pacifier les relations entre la Justice et les médias, l’aggravation des peines d’amendes prévues par la loi sur la liberté de la presse pourrait être envisagée, le montant de celles-ci étant souvent budgété par les entreprises.


Toutefois, et en raison du rôle fondamental qu’occupent les médias en démocratie – ils en sont le « chien de garde » selon la Cour européenne des Droits de l’Homme – la restriction de la liberté de communication n’est pas souhaitable. En revanche, le développement du discernement et du sens critique face aux médias et aux réseaux sociaux devrait être encouragé dans le cadre des cours de Morale Laïque aujourd’hui dispensés dans les écoles. L’éducation au bon usage de la liberté d’expression permettrait ainsi de ne plus opposer Justice et médias, deux piliers de notre démocratie.


Je vous prie d’agréer, Mesdames et Messieurs les membres du jury, l’expression de mes respectueuses salutations.
 

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